Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2893

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 357-358).

2893. — À M. LEKAIN[1].
Aux Délices, 24 mars.

Je reçois dans le moment votre lettre de Dijon, du 18 mars. J’envoie ma réponse à Lyon, mon cher ami, chez Mlle Destouches[2]. Vous allez sans doute recueillir à Lyon autant d’applaudissements et d’honoraires qu’à Dijon. Si, après cela, vous avez le courage de venir chez moi, il faut que vous ayez encore celui d’y être très-mal logé et très-mal couché. Mes Délices sont sens dessus dessous. Je suis entouré d’ouvriers qui m’occupent du matin au soir. Vous me verrez devenu maçon, charpentier, jardinier ; il n’y a que vous qui puissiez me rendre à mon premier métier. Vous ferez aisément le voyage de Lyon à Genève, par les voitures publiques. Ma maison est précisément à la porte de Genève, et je vous enverrai un carrosse qui vous prendra en chemin, le jour de votre arrivée. Vous n’aurez qu’à m’instruire du jour auquel la voiture publique se rend à Genève ; mon ermitage est précisément sur le chemin qui conduit de Lyon à cette ville. Vous n’aurez pas la peine d’entrer dans Genève pour venir chez moi.

Si mon carrosse ne vous rencontrait pas en chemin, vous n’aurez qu’à dire au voiturier d’arrêter à Saint-Jean, à deux cents pas de la porte de Genève.

Nous vous faisons, Mme Denis et moi, les plus tendres compliments. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Je ne suis pas à Prangins ; songez bien que je suis chez moi, aux Délices, à Saint-Jean, aux portes de Genève, et que la maison méritera son nom quand vous y serez.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Directrice du théâtre de Lyon.