Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2074

Correspondance de Voltaire/1750
Correspondance : année 1750, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 116).
2074. — AU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1].
À Paris, ce 19 mars 1750.

M. le comte d’Argenson, monsieur, me fait dire par M. le président Hénault, qu’il pense comme moi, sur le compte de ceux qui troublent la société par ces libelles, mais que, ne pouvant entreprendre sur les fonctions de ceux qui président à la librairie, il se trouve réduit à de bons offices. Voilà les propres mots de la lettre de M. le président Hénault. Quels meilleurs offices, monsieur, qu’un mot de la bouche d’un homme comme vous ? Il est bien certain que, si vous voulez envoyer chercher La Porte, et surtout Fréron, contre lequel tous les honnêtes gens sont indignés, et leur représenter, avec l’autorité de votre place et celle de la persuasion, qu’ils ne doivent pas attaquer personnellement les sujets du roi, vous les ferez taire, et vous rendrez service à la société et aux lettres.

Il est douloureux qu’à mon âge, entouré d’une nombreuse famille composée de magistrats et d’officiers, et étant moi-même officier de la maison du roi, je sois exposé continuellement aux insolences de ces barbouilleurs de papier. Il n’est pas permis de se faire justice à soi-même. Je ne la demande qu’à vous, monsieur, et je vous supplie, au nom de tous les honnêtes gens, d’avoir la bonté d’envoyer ordre à Fréron de venir vous parler, et de daigner lui donner celui d’être plus circonspect. Il demeure rue de Seine, chez un distillateur. Vous pouvez, monsieur, finir d’un mot tout ce scandale. J’ose l’espérer de votre sagesse, de votre justice et de vos bontés pour moi. J’ai l’honneur, etc.

  1. Éditeur, Léouzon Leduc.