Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1800

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 432).

1800. — À M. DE MONCRIF[1].

Aimable sylphe, je sais toutes les faveurs célestes que vous m’avez faites dans votre moyenne région ; j’y serai sensible toute ma vie dans mon séjour terrestre. Mais que dites-vous de ce monstre sorti des enfers, qui prétend qu’on lui a rendu la lyre, et qui fait imprimer le libelle diffamatoire le plus punissable contre l’Académie et contre moi[2] ? Je pense que cette satire vaut une recommandation, et que vos confrères n’en seront que plus affermis dans leurs bontés pour moi. Ils ne souffriront pas que ce scélérat les fasse rougir de leur choix. Mais comment la plus vertueuse de toutes les reines peut-elle souffrir quelquefois le plus scélérat des hommes ? Je vous le dirai hardiment : vous vous rendez coupable si vous ne représentez pas à Sa Majesté la vérité. Cette dernière satire est trop atroce, et ce n’est pas à la reine à paraître protéger le crime. En vérité, voici l’occasion d’effacer la honte que ce misérable jette sur la cour. Adieu, je vous embrasse avec la plus tendre reconnaissance.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pour empêcher son élection, Roi, auteur d’opéras, avait fait réimprimer un pamphlet d’un certain Baillet de Saint-Julien, intitulé Discours prononcé à la porte de l’Academie par M. le directeur ***.