Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1799

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 431-432).

1799. — À M. DE MONCRIF,
lecteur de la reine, etc.
Mars.

Mon cher sylphe, dont je n’ose encore m’appeler le confrère[1], mais dont je serai toute ma vie l’ami le plus tendre, je vous cherche partout pour vous dire combien il me sera doux d’être lié avec vous par un titre nouveau. Je suis pénétré de tout ce que vous avez fait pour moi ; mais comment me conduirai-je, au sujet du libelle diffamatoire dans lequel l’Académie est outragée, et moi si horriblement déchiré ? Il n’est que trop prouvé, aux yeux de tout Paris, que le sieur Roi est l’auteur de ce libelle coupable. C’est la vingtième diffamation dont il est reconnu l’auteur, et il n’y a pas longtemps qu’il écrivit deux lettres anonymes à M. le duc de Richelieu. Il a comblé la mesure de ses crimes ; mais je dois respecter la protection qu’il se vante d’avoir surprise auprès de la reine. Il a pris les apparences de la vertu pour être reçu chez la plus vertueuse princesse de la terre. C’est la seule manière de la tromper mais cette même vertu, dont Sa Majesté donne tant d’exemples, permettra sans doute que je me serve des voies de la justice pour faire connaître le crime. Je vous supplie d’exposer à la reine mes sentiments, et de lui demander pour moi la permission de suivre cette affaire. Je ne ferai rien sans le conseil du directeur de l’Académie, et, surtout, sans que vous m’ayez mandé que la reine trouve bon que j’agisse. Vous pourriez même peut-être lui lire ma lettre elle y découvrirait un cœur plus touché des sentiments d’admiration que ses vertus inspirent, qu’il n’est pénétré du mal que le sieur Roi m’a voulu faire.

Adieu, homme aimable et digne de servir celle que la France adore.

  1. Voltaire se présentait pour remplacer le président Bouhier à l’Académie française ; voyez ci-dessus la lettre 1795.