Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1783

Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 411-412).

1783. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères.
Paris, le 8 janvier.

Je ne décide point entre Genève et Rome ;

(Henriade, ch. II, v. 5.)

mais, s’il vous plaît, monseigneur, mon paquet, s’il arrive, me vient de Rome, et celui qu’on m’a rendu vient de Genève, et vous appartient. Voici le fait quand on m’apporta le ballot de votre part, je vis des livres en feuilles, et je ne doutai pas que ce ne fussent des coglionerie italiane que m’envoyait le cardinal Passionei. Je dépêchai le tout chez Chenut, relieur du roi, et de moi indigne. Il s’est trouvé, à fin de compte, que le ballot contient le Dictionnaire du Commerce[1], imprimé à Genève. J’ai sur-le-champ ordonné expressément à Chenut de ne point passer outre, et j’attends vos ordres pour savoir par qui, et comment, et quand, vous voulez faire relier votre Dictionnaire, qu’on ne lit point assez, et dont la langue est rarement entendue à Versailles. Je vous souhaite les bonnes fêtes. Je me flatte que, tôt ou tard, vous ferez quelque chose des araignées[2] ; mais si elles continuent à se détruire, ne soyez point détruit. Je le penserai toute ma vie, la paix de Turin[3] était le plus beau projet, le plus utile, depuis

cinq cents ans.

Mille tendres respects.

  1. Ouvrage dans la composition duquel Jacques Savari fut encouragé par le père de MM. d’Argenson. Voyez tome XIV, page 136.
  2. Voyez la lettre 1689.
  3. Des préliminaires de paix venaient d’être signés (le 26 décembre 1745) à Turin, entre la Sardaigne et la France, et le marquis d’Argenson y avait la plus grande part ; mais Elisabeth Farnèse, reine d’Espagne, refusa d’y accéder, et l’évêque de Rennes, Vauréal, en communiquant ce projet à la cour de Madrid, essuya les plus gros mots, dont la reine, selon le marquis d’Argenson, était prodigue en sa colère. (Cl.)