Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1722

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 360).

1722. — À M. NÉRICAULT DESTOUCHES[1].
Paris, ce 8 mai.

J’ai été à Châlons, monsieur, garder le fils de Mme du Châtelet, qui avait la petite vérole ; c’est là que j’ai lu et relu le beau recueil[2] dont vous avez bien voulu me faire présent. J’en ai senti tout le prix, et j’avoue que je ne reviens point d’étonnement que les comédiens ne jouent pas tous les jours vos belles pièces. Les comédiens n’entendent guère leurs intérêts, ce me semble, de ne pas nous donner souvent Le le Médisant, l’Homme singulier, l’Ingrat, le Curieux impertinent, l’Ambitieux, en un mot ce que vous avez fait.

Je viens de relire encore le Dissipateur, qui me paraît un ouvrage bien digne de vous. J’avoue que je donne la préférence au Glorieux, dont vous savez que j’ai toujours été idolâtre. Mais il n’y a aucun de vos ouvrages que je ne voulusse voir paraître sur le théâtre ; nous les verrons apparemment, quand il y aura des comédiens dignes de les jouer. En attendant, leur lecture me consolera. Ceux qui aiment la vraie morale doivent en faire leurs délices : je suis bien fâché d’être privé de celles de votre conversation ; l’homme et l’auteur me seront toujours également chers. Pardonnez à un pauvre malade, s’il ne vous ecrit pas de sa main ; il ne vous est pas moins tendrement attaché.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le Théàtre de Destouches.