Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1721

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 359-360).

1721. — À M. LE COMTE D’ALION[1].

Je vous supplie, monsieur, de présenter à Sa Majesté impériale un exemplaire de ma Henriade, et de lui faire remarquer le petit envoi qui accompagne le livre, et qui est à la première page.

Ce n’est pas tout, monsieur, et c’est ici qu’il faut encore que le nom de M. le marquis d’Argenson parle pour moi. Je vous envoie un exemplaire d’un livre sur la Philosophie de Newton. Je vous aurais, monsieur, une très-grande obligation de vouloir bien le donner à monsieur le secrétaire de l’Académie de Pétersbourg. J’ai déjà l’honneur d’être des Académies de Londres, d’Édimbourg, de Berlin, de Bologne, et je veux devoir à votre protection l’honneur d’être admis dans celle de Pétersbourg. Ce serait peut-être une occasion pour moi de pouvoir, quelque beau jour d’été, voyager dans la cour où vous êtes, et me vanter d’avoir vu la célèbre Élisabeth. J’ai chanté Élisabeth d’Angleterre ; que ne dirais-je point de celle qui l’efface par sa magnificence, et qui l’égale par ses autres vertus !

Ne pourrais-je pas vous avoir encore, monsieur, une autre obligation ? J’ai écrit, il y a quelques années, l’Histoire de Charles XII sur des mémoires fort bons quant au fond, mais dans lesquels il y avait quelques erreurs sur les détails des actions de ce monarque ; j’ai actuellement des mémoires plus exacts et fort supérieurs à ceux que M. Nordberg a employés. Mon dessein serait de les fondre dans une Histoire de Pierre le Grand ; ma façon de penser me détermine vers cet empereur, qui a été un législateur, qui a fondé des villes, et, j’ose le dire, son empire.

Si la digne fille de l’empereur Pierre le Grand, qui a toutes les vertus de son père avec celles de son sexe, daignait entrer dans mes vues et me faire communiquer quelques particularités intéressantes et glorieuses de la vie du feu empereur, elle m’aiderait à élever un monument à sa gloire, dans une langue qu’on parle à présent dans presque toutes les cours de l’Europe.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.