Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1720

Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 358-359).

1720. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères, à versailles.
À Paris, ce 3 mai.

Eh bien ! il faudra donc vous laisser partir sans avoir la consolation de vous voir ! Partez donc ; mais revenez avec le rameau d’olivier, et que le roi vous donne le rameau d’or : car, en vérité, vous n’êtes pas payé pour la peine que vous prenez.

Vous avez eu trop de scrupule en craignant d’écrire un petit mot à M. l’abbé de Canillac[1]. Je vous avertis que je suis très-bien avec le pape, et que M. l’abbé de Canillac fera sa cour, en disant au saint-père que je lis ses ouvrages, et que je suis au rang de ses admirateurs comme de ses brebis.

Chargez-vous, je vous en supplie, de cette importante négociation. Je vous réponds que je serai un petit favori de Rome, sans que nos cardinaux y aient contribué.

Que dites-vous, monseigneur, de la princesse royale de Suède[2], qui me prie de faire un petit voyage à Stockholm, comme on prie à souper à la campagne ? Il faut être Maupertuis pour aller ainsi courir dans le Nord. Je reste en France, où je me trouverais encore mieux si Mme du Châtelet se mettait à dîner avec vous.

J’ai une grâce à vous demander pour ce pays du Nord : c’est de permettre que je vous adresse en Flandre un paquet pour M. d’Alion[3]. Ce sont des livres que j’envoie à l’Académie de Pétersbourg, et des flagorneries[4] pour la czarine.

Adieu, monseigneur je vous souhaite de la santé et la paix, et je vous suis attaché, comme vous savez, pour la vie.

  1. Claude-François de Beaufort-Canillac-Montboissier, dit l’abbé de Canillac, né en Auvergne vers 1692, chargé des affaires du roi à Rome ; mort au commencement de 1761.
  2. Louise-Ulrique, à laquelle sont adressées les lettres des 22 décembre 1743, 1er mai 1744 et 2 mai 1745.
  3. Louis d’Usson-Bonac, comte d’Alion, né le 7 janvier 1705 ; nommé, pour la seconde fois, en 1744, ministre plénipotentiaire de France en Russie, où il resta jusqu’en 1748. (Cl.)
  4. C’est la Lettre du roi (Louis XV) à la czarine (Élisabeth), rédigée par Voltaire à la demande du marquis d’Argenson, et imprimée dans les Mélanges, tome XXIII, page 197.