Correspondance de Voltaire/1744/Lettre 1684

Correspondance de Voltaire/1744
Correspondance : année 1744GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 329-330).

1684. — DE MANNORY.
Ce jeudi matin.

Vous m’avez permis, monsieur, de vous importuner encore, après votre retour de la campagne. Je suis honnête en robe, mais je manque totalement d’habit, et je ne puis me présenter devant personne. Cela dérange toutes mes affaires. Avez-vous pensé à M. Thieriot[1] ? Je vous prie, monsieur, de me le marquer. Je suis depuis six jours avec quatre sous dans ma poche. Vous m’avez promis quelques légers secours ; ne me les refusez pas aujourd’hui, monsieur. Des que je serai habillé, je serai en état de suivre mes affaires, et ma situation changera. On m’annonce beaucoup d’affaires au Palais, mais elles ne sont pas encore arrivées. Nous touchons aux vacances ; le temps n’est pas favorable. Souffrirez-vous, monsieur, que je meure de faim ? je n’ai mangé hier et avant-hier que du pain. C’était fête ; je n’ai pu décemment sortir en robe, et mon habit n’est pas mettable. Je n’ai osé aller chez personne, et je n’avais pas d’argent pour avoir quelque chose chez moi. L’état est affreux. De grâce, monsieur, donnez au porteur de cette lettre ce que vous pouvez pour mon soulagement présent ; il est sûr. Mandez-moi si M. Thieriot fait quelque chose. Laisserez-vous périr de misère un ancien serviteur, un homme qui, j’ose le dire, a quelques talents, et qui est actuellement à la vue du port ? Son vaisseau est un peu délabré ; mais il ne s’agit que de le secourir pour entrer dans le port.

Je suis avec la plus vive reconnaissance, monsieur, votre, etc.

Mannory.

  1. Thieriot le marchand, sans doute ; voyez la lettre 1858.