Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1515

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 139-140).
1515. ‑ À M. ***[1].
Dimanche …

Nous avons une affaire à la cour ; milord Valgrave, informé de vos talents pour la négociation, n’a pu vous savoir parti pour l’Angleterre sans trembler pour le roi son maître. M. le cardinal de Fleury et M. le garde des sceaux ont eu beau jurer qu’ils ne savaient rien de votre voyage, on connaît trop vos liaisons intimes avec eux pour les en croire. Ce qui leur a encore plus mis martel en tête, c’est la bonne grâce du prévôt sur un cheval de poste : ils se sont imaginé que c’était un courrier du cabinet, et à l’air dont il court, ils prétendent même qu’il faut que ce soit celui qui est destiné aux affaires les plus importantes ; enfin, ce qui met le comble à leurs justes alarmes est la réception, dit-on, qui vous a été faite en Angleterre, où les chefs du parti vous sont venus recevoir avec un empressement qui est plus ordinaire à un intérêt vif qu’à la simple amitié.

Tout ceci n’est point une plaisanterie de quelque fou que je débite, et je viens d’entendre tout cela de la bouche du garde des sceaux très-sérieusement. Vous êtes donc supplié de rendre plus de justice à votre mérite de savoir que lui seul, sans le concours d’aucunes dignités ni emplois, rend tous les princes de l’Europe attentifs à vos démarches, et de vouloir bien dorénavant, quand vous aurez à faire des voyages de cette importance et de cette durée, consulter le conseil d’État, qui se trouvera aussi honoré de vous donner des conseils qu’il serait heureux s’il pouvait recevoir les vôtres.

  1. C’est à tort, croyons-nous, que MM. de Cayrol et François, éditeurs de cette lettre, l’ont mise à l’année 1740. (G. A.)