Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1514

Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 137-139).

1514. À M. FALKENER[1]

If I have forgot the scraps of english I once had gathered, I’Il never forget my dear ambassador. I am now at Paris, and with the same she-philosopher I have lived with these twelwe years past. Was I not so constant in my bargains for life, I would certainly come to see you in your kiosk, in your quiet and your glory.

You will hear of the new victory of my good friend the king of Prussia, who wrote so well against Machiavel, and acted immediately like the heroes of Machiavel. He fiddles and fights as well as any man in christendom. He routs the austrian forces, and loves but very little your king, his dear neighbour of Hanover. I have seen him twice, since he is free from his father’s tyranny. He would retain me at his court, and live with me in one of his country houses, just with the same freedom and the same goodness of manners you did at Wandsworth. But he could not prevail against the marquise du Châtelet. My only reason for being in France, is that I am her friend.

You must know my Prussian king, when he was but a man, loved passionately your english government. But the king has altered the man, and now he relishes despotic power, as much as a Mustapha, a Selim or a Soliman.

News came yesterday at our court that the king of Sardinia would not at all hearken to the Borbonian propositions. This shrub will not suffer the french tree to extend its branches over all Italy. I should be afraid of an universal war but I hope much from the white hoary pâte of our good cardinal, who desires peace and quiet and will give it to christendom, if he can.

I have seen hère our Ottoman minister, Say d Bacha. I have drunk wine with his chaplain, and reasoned with Laria, his interpreter, a man of sensé, who knows much and speaks well. He has told me he is very much attached to you. He loves you as all the world does. I have charged him to pay my respects to you ; and I hope the bearer of this will tell ou with what tenderness I will be for ever your humble and faithful servant[2].

  1. Received at Pera, 24 sept. (Note de Falkener). Cette lettre a été éditée par MM. de Cayrol et François.
  2. Traduction : Si j’ai oublié les bribes d’anglais que j’avais autrefois recueillies, jamais je n’oublierai mon ambassadeur. Je suis maintenant à Paris, avec la même femme philosophe auprès de laquelle j’ai passé ma vie depuis douze ans. Si je n’étais pas aussi constant dans le commerce de la vie, j’irais certainement vous visiter dans votre kiosque, dans votre repos et votre gloire.

    Vous apprendrez la nouvelle victoire de mon bon ami le roi de Prusse, qui écrivait si bien contre Machiavel, et qui a si promptement agi comme les héros de Machiavel. Il joue du violon, et se bat aussi bien qu’aucun homme de la chrétienté. Il met en déroute les armées autrichiennes, et aime assez peu votre roi, son cher voisin de Hanovre. Je l’ai vu deux fois, depuis qu’il est délivré de la tyrannie de son père. Il voulait me retenir à sa cour, et vivre avec moi dans une de ses maisons de campagne, précisément avec la même liberté et la même bonté de manières que vous à Wandsworth. Mais il n’a pu l’emporter sur la marquise du Châtelet. Le seul motif qui me retienne en France est mon amitié pour elle.


    Il faut que vous sachiez que mon roi de Prusse, quand il n’était qu’un homme, aimait passionnément votre gouvernement anglais. Mais le roi a changé l’homme, et maintenant il goûte le pouvoir despotique autant qu’un Mustapha, un Sélim ou un Soliman.

    Nous avons reçu hier, à notre cour, la nouvelle que le roi de Sardaigne ne voulait rien entendre aux propositions bourboniennes. Cet arbrisseau ne peut souffrir que l’arbre de France étende ses branches sur toute l’Italie. Je craindrais une guerre universelle ; mais j’espère beaucoup de la tête blanche de notre bon cardinal, qui désire la paix et le repos, et qui les donnera à la chrétienté s’il le peut.

    J’ai vu ici notre ministre ottoman, Sayd Bacha. J’ai bu du vin avec son chapelain, et j’ai causé avec Laria, son interprète, homme de sens, qui sait beaucoup et parle fort bien. Il m’a dit qu’il vous était très-attaché. Il vous aime comme le fait tout le monde. Je l’ai chargé de vous présenter mes respects, et j’espère que le porteur de celle-ci vous dira avec quelle tendresse je suis pour toujours votre très-humble et très-fidèle serviteur.