Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1342

Correspondance de Voltaire/1740
Correspondance : année 1740GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 505-506).

1342. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Wesel, 6 septembre.

Mon cher Voltaire, il faut, malgré que j’en aie, céder à la fièvre quarte, plus tenace qu’un janséniste ; et quelque envie que j’ai eue d’aller à Anvers et à Bruxelles, je ne me vois pas en état d’entreprendre pareil voyage sans risque. Je vous demanderai donc si le chemin de Bruxelles à Clèves ne vous paraîtrait pas trop long pour me joindre ; c’est l’unique moyen de vous voir qui me reste. Avouez que je suis bien malheureux, car à présent que je puis disposer de ma personne, et que rien ne m’empêchait de vous voir, la fièvre s’en mêle, et parait avoir le dessein de me disputer cette satisfaction.

Trompons la fièvre, mon cher Voltaire, et que j’aie du moins le plaisir de vous embrasser. Faites bien mes excuses à la marquise de ce que je ne puis avoir la satisfaction de la voir à Bruxelles. Tous ceux qui m’approchent connaissent l’intention dans laquelle j’étais, et il n’y avait certainement que la fièvre qui pût me la faire changer.

Je serai dimanche[1]1 à un petit endroit[2] proche de Clèves, où je pourrai vous posséder véritablement à mon aise. Si votre vue ne me guérit, je me confesse tout de suite.

Adieu ; vous connaissez mes sentiments et mon cœur.

Fédéric.

  1. Le 11 septembre.
  2. Le château de Moyland. Voltaire, dans ses Mémoires, donne à cet endroit le nom de château de Meuse. Il y arriva le 11 septembre, ainsi que Frédéric, qui repartit le 14 pour Potsdam.