Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1329

Correspondance de Voltaire/1740
Correspondance : année 1740GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 494-495).

1329. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 14 (auguste 1740).

Depuis ma lettre écrite par laquelle je vous prie, mon cher ami, d’aller trouver M. de Nicolaï, j’ai fait réflexion que vous ferez bien dans votre audience de lui montrer cette lettre qui ne doit pas lui déplaire. Ce sera la meilleure manière d’entrer en conversation.

Ne faudrait-il pas faire opposition aussi entre les mains de M. Bergeret ?

À l’égard de M. d’Estaing, je n’ai pas encore le nom du procureur auquel il faut s’adresser à Clermont ; mais je l’aurai bientôt. Je vous remercie de l’avis que vous me donnez touchant les lettres d’État ; je suppose que le marquis d’Estaing a renoncé par son contrat au bénéfice des lettres d’État.

Comme j’aurai bientôt besoin d’un fonds considérable, je vous réitère mes remerciements des poursuites que vous faites faire.

Je vous prie de ne point répandre dans le monde que j’avais une rente viagère sur Michel ; il suffit de dire que j’avais de l’argent placé sur lui.

Il n’y a que M. de Nicolaï auquel il faille confier la chose.

Il sera très à propos que monsieur votre frère écrive à M. d’Auneuil qu’attendu la banqueroute du sieur Michel, dans laquelle je me trouve enveloppé, et ayant perdu les hypothèques que M. d’Auneuil m’avait données, il est dans l’absolue nécessité de presser le paiement que me doit M. d’Auneuil. Outre cette lettre de monsieur votre frère, je serais d’avis que vous lui en écrivissiez une autre, par laquelle vous lui diriez qu’ayant bien voulu avoir l’œil sur mes affaires, dont monsieur votre frère est chargé, et sachant que j’ai eu le malheur d’essuyer plusieurs banqueroutes, vous le priez de me donner une autre délégation. Au reste, s’il ne le fait pas, on pourra l’y contraindre, car c’est se moquer que de donner en délégation les mêmes rentes et les mêmes maisons à deux personnes, et c’est, en bon français, un stellionat.

Je vous prie d’envoyer aussi à la direction des affaires de M. de Goesbriant, dont nous n’avons aucune nouvelle.

Je vous prie de garder un profond secret sur ce que vous avez à moi, et sur mes affaires.

Je ne sais ce que c’est que ces bijoux que Mme du Châtelet vous a envoyés. Elle m’en a fait mystère : mandez-moi ce que c’est.

Son estampe doit être pour un in-octavo ; ainsi il ne la faut guère plus grande que la mienne.

Je songe que vous pourriez encore très-bien montrer à M. le président de Nicolaï mon autre lettre où je fais le mauvais plaisant sur la banqueroute de Michel. Cela mettrait M. de Nicolaï de bonne humeur. Vous êtes le maître de tout.

Je vous embrasse bien tendrement. Bonsoir.

  1. Édition Courtat.