Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 893

Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 515-517).
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893. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Cirey, ce 3 juillet 1738.

Je reçois dans le moment deux lettres de vous, mon cher abbé, du 28 et du 30 juin.

1° À l’égard de M. l’abbé Nollet, quand je vous ai prié de lui donner douze cents livres, et de le payer comptant outre cela, il n’y avait nulle équivoque, car je voulais lui donner douze cents livres d’avance, et lui donner de plus le prix de tout ce qui sera prêt, et que je compte qu’il m’enverra au commencement du mois d’août par M. Cousin : ainsi vous m’auriez fait un plaisir très-sensible de lui faire donner ces douze cents livres d’avance.

Je serais d’ailleurs très-fâché qu’il me fît un envoi sitôt. Je ne veux rien recevoir qu’avec M. Cousin, et j’espère recevoir beaucoup. Donnez-lui donc les douze cents livres, mon cher ami, et suppliez-le de ma part de tenir prêt pour la fin de juillet un envoi de plus de quatre mille livres, s’il se peut. J’attends un petit mémoire de sa part. Faites-lui, je vous prie, les compliments les plus sincères.

2° Je vous ai écrit plusieurs lettres auxquelles je me réfère entièrement, touchant mes affaires.

3° Ne sachant si vous étiez à Paris, j’ai envoyé à M. Cousin un mémoire détaillé de tout ce qu’il convient de faire au sujet des envois des Éléments de Newton. Je prie M. Cousin de bien examiner tous les exemplaires que j’achète, et de voir s’ils sont tous entièrement conformes à mes intentions. Alors nous donnerons de l’argent à Prault, en diminuant les prix des livres doubles qu’il m’a fournis, et qui lui sont renvoyés. Il ne lui reviendra pas la somme qu’il demande. Il veut me vendre les exemplaires brochés trois livres, après les avoir promis à trente sous, au prix coûtant ! Cela n’est pas bien. Vous pouvez lui donner toujours cinq cents livres à compte.

bis. Le billet au porteur, que je veux n’être payé que dans décembre, n’est point un billet valeur reçue ; c’est une prière, à vous faite de ma part, de donner huit cent quarante livres, sans spécifier le temps, et, comme j’ai des raisons essentielles de ne donner cet argent qu’en décembre, vous pouvez assurer de ma part le porteur, tel qu’il soit, que ce billet, fait à un Juif nommé Vidal, non nommé dans le billet, ne sera certainement payé qu’en décembre.

4° J’ai fait partir la montre aux diamants, avec des parchemins concernant Demoulin, par le carrosse de Bar-sur-Aube, hier à midi, et, ne sachant si vous étiez à Paris, j’en ai donné avis à M. Cousin, qui demeure rue Saint-Denis, vis-à-vis le Grand-Châtelet, chez M, Harny.

5° Je vous prie d’écrire au grand d’Arnaud de rendre son Avertissement quatre fois plus court et plus simple ; d’en retrancher les louanges que je ne mérite pas, et délaisser, dans le seul feuillet carré de papier qui le contiendra, une marge pour les corrections que je ferai.

Je vous réitère encore, mon cher abbé, que je vous supplie de donner douze cents livres à M. Nollet pour mon compte, et de l’assurer qu’il aura tout l’argent d’avance qu’il voudra.

Adieu, je vous embrasse.

J’ai peur que M. Nollet ne soit un peu fâché. Faites-lui mille amitiés.

M. de Latour, le peintre, doit vous venir voir au sujet de mon portrait. Je vous prie de faire généralement tout ce qui pourra lui faire plaisir. Il veut exposer le pastel qu’il en a gardé : de tout mon cœur ; mais je voudrais, moi, qu’il le fît graver en pierre, et en avoir une vingtaine de pierres ; vous lui en parlerez.

Adieu, mon cher ami. Vous allez à la campagne ; et que ne venez-vous à la nôtre ?

J’envoie à M. Thieriot un paquet de lettres pour être remises à quelques personnes à qui je fais présent des Éléments de Newton. Si M. Thieriot veut se charger de remettre lui-même les paquets à MM. d’Argenson et d’Argental, qui sont dans son quartier, ce sera autant de peine épargnée pour vos commissionnaires. Vous avez dû voir, mon cher abbé, par le mémoire qui est entre les mains de M. Cousin, le nombre et la qualité des volumes qu’on doit remettre à M. Thieriot, à M. d’Argental, à. M. d’Argenson. Vous remettrez ou ferez remettre par M. Cousin non-seulement ces volumes spécifiés dans le mémoire, mais encore tous ceux que M. Thieriot demandera, et dont il voudra faire des présents. Je me flatte que vous en donnerez aussi à ceux de vos amis qui entendent ces matières.

Je ne vous envoie que la lettre pour M. Hérault, à qui vous aurez la bonté de l’envoyer avec le livre, le tout cacheté.

Voilà aussi un petit mot d’avertissement pour M, de La Roque, que l’on vous prie de lui faire tenir avant de lui envoyer le livre ; mais il ne faut pas que cette petite lettre lui soit rendue de ma part. C’est une galanterie avec laquelle on veut le surprendre.

Vous donnerez donc, mon cher abbé, cinq cents livres à Prault ; mais il ne sera payé du reste que lorsque nous aurons arrêté de compte, et fixé le prix des livres.

Nous pouvons donc à présent parler un peu de nos affaires.

Je suppose qu’avec les douze cents livres données à M. Nollet je vais dépenser en tout, avant le départ de M. Cousin :

Instruments, environ quatre mille livres 
 4.000
À M. Denis ou ordre, environ douze cents livres 
 1.200
En autres achats, environ cinq cents livres 
 500
 
______
 
5.700
 
______

Combien vous restera-t-il, car je prévois encore un gros convoi d’argent pour Cirey ?

Avez-vous reçu de M, de Barassy, ou êtes-vous en procès ?

Quelle réponse fait M. d’Auneuil ?

Je vous renverrai incessamment la procuration. À quel carrosse avez-vous mis le télescope, la lentille de verre pour le microscope, etc. ?

  1. Édition Courtat.