Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 658

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 144-145).
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658. — À M. BERGER.
Cirey.

Je devais, mon cher correspondant, plus que de la prose au prince royal de Prusse, mais j’ai honte de lui envoyer des vers aussi peu châtiés. Ayez la honte de remettre le paquet cacheté au ministre de Prusse. Je ne sais si c’est un envoyé ou un ambassadeur. Mandez-moi de quelle espèce il est, et où il demeure. À l’égard de l´Èpître[1], notre Thieriot a droit sur tout ce que je fais. Il peut voir mon ours mal léché, il a toujours les prémices. Mais, messieurs, que ces vers ne courent pas, et pour l’honneur de la poésie, et pour les vérités qu’ils renferment. Je ne veux pas que le public soit le confident de mon petit commerce avec le prince royal de Prusse.

Voici un petit mot pour Prault. Il est permis de changer d’avis.

« M. Prault est prié de refaire le carton en question de cette dernière façon-ci, que je ne changerai plus :

Près de ce jeune roi s’avance avec splendeur
Un héros que de loin poursuit la calomnie…

(Henriade, ch. VII, v. 410.)

Voilà le dernier changement que je ferai à la Henriade. Je prie M. Prault de m´envoyer la copie de ce carton imprimée, et de remettre tout ce qui est imprimé à M. Robert, avocat, qui demeure rue du Mouton, près de la Grève. »

On dit qu’on vend au Palais-Royal une nouvelle édition de mes ouvrages vrais ou prétendus. Ne pourrait-on pas la faire saisir ?

Est-il vrai que Rousseau est mort ? Il avait trop vécu pour sa gloire et pour le repos des honnêtes gens.

Je vous embrasse.

  1. Voyez, tome X, l’Épitre au prince royal, datée d’octobre 1736.