Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 587

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 63-64).
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587. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].

Vous voilà sans doute revenu de votre palais de Minerve, établi à Beauvais par le Zeuxis des animaux. Songez donc un peu à présent, mon cher ami, à votre solitaire de Champagne. Vous m’avez parlé autrefois d’une certaine caisse, d’une certaine douzaine d’oranges et de citrons, qui seront pourris. Qu’est-ce donc que tout cela est devenu ? J’ai écrit à monsieur votre frère pour le portrait en bague, mais point de réponse encore.

Voici un manuscrit que je vous envoie. Je vous prie d’envoyer chercher par votre frotteur un jeune homme nommé Baculard d’Arnaud, qui demeure chez M. Delacroix, rue Mouffetard, troisième porte cochêre[2]. Donnez-lui, je vous en prie, ce manuscrit, et faites-lui de ma part un petit présent de douze francs. C’est un jeune homme qui est écolier externe au collège d’Harcour. Je vous prie de ne point négliger cette petite grâce que je vous demande. Il y a aussi, ci-inclus, un petit paquet pour la Hollande.

Vous savez que la grande affaire de Bouillé-Ménard n’avance point. Envoyez, je vous prie, M. Robert chez M. de Surville, intendant de M. de Richelieu, pour savoir au vrai à quoi cela tient, et ce qu’il faut que je fasse. Si cela est nécessaire, je vous conjure d’y aller vous-même. M. Bêgon et l’avocat sont-ils payés ? Vous ne m’en avez point parlé.

Parlez-moi aussi de mon portrait.

Je vous ai envoyé un billet de trois cent soixante livres à acquitter, mais c’est quand vous aurez de l’argent.

S’il y a quelque chose de nouveau, mandez-le-moi. Je vous embrasse tendrement.

  1. Édition Courtat.
  2. Le 22 janvier précédent. Voltaire écrivait à Baculard d’Arnaud les lignes suivantes, que nous trouvons dans l´Amateur d’autographes, année 1868, page 20 : « Le goût que vous avez pour la poésie, monsieur, vous fait regarder avec trop d’indulgence mes faibles ouvrages. Vous ressemblez aux connaisseurs en peinture qui ne laissent pas de mettre dans leur cabinet des tableaux médiocres en faveur de quelques coups de pinceau qui leur auront plu. Les vers que vous m’avez envoyés sur mes tragédies, en me donnant beaucoup d’estime pour vous, me laissent le regret de mériter si peu vos éloges… »