Correspondance de Voltaire/1734/Lettre 435

Correspondance de Voltaire/1734
Correspondance : année 1734GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 451-452).
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435. — Á M. DE CIDEVILLE.
Auprès de Bruxelles, ce 5 novembre.

Je suis trop malade, mon très-cher ami, pour répondre une seule rime à vos vers charmants ; mais j’ai du moins assez de force pour vous supplier, au nom de la tendre amitié que vous avez pour moi, de ne point prendre d’autre maison que la mienne, et de vouloir bien loger dans mon appartement. Demoulin et sa femme vous marqueront par leurs soins avec quel zèle je voudrais vous y recevoir moi-même. Je ne pourrai vraisemblablement être à Paris qu’à Noël. Mais vous, mon cher ami, pour combien de temps y êtes-vous ? Puis-je me flatter de vous y retrouver encore ? Vous me parlez, en très-jolis vers, de mes prétendus voyages, et vous ne me dites rien de vous ! Pourquoi donc faites-vous plus de cas de mon esprit que de mon cœur ?

Ami, ne me conseillez pas
De parcourir ces beaux climats
Que jadis honora Virgile.
Mantoue est aujourd’hui l’asile

Des Allemands et des combats ;
Mais fût-elle toujours tranquille,
Je ne connais d’autre séjour
Que les lieux où règne l’Amour,
Et ceux qu’habite Cideville.

Je vous embrasse tendrement ; si vous m’aimez, logez chez moi.

Adieu ; quand viendra donc le temps où je vous accablerai, tout le jour, de prose et de vers ! Ne sachant pas votre adresse, j’ai prié M. d’Argental de vous rendre ce chiffon. Ce d’Argental est bien digne de vous. Je lui envoie Samson pour vous être montré, en attendant mieux.