Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 281

Correspondance de Voltaire/1732
Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 290-291).
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281. — Á M. DE CIDEVILLE.
Le 3 de septembre 1732.

Je suis pénétré, mon cher Cideville, des peines dont vous me faites l’amitié de me parler : c’est la preuve la plus sensible que vous m’aimez. Vous êtes sûr de mon cœur : vous savez combien je m’intéresse à vous. Pourquoi faut-il qu’un homme aussi sage et aussi aimable que vous soit malheureux ? Que serai-je donc, moi qui ai passé toute ma vie à faire des folies ? Quand j’ai été malheureux, je n’ai eu que ce que je méritais ; mais quand vous l’êtes, c’est une balourdise de la Providence. J’ai eu la sottise de perdre douze mille francs, au biribi, chez Mme de Fontaine-Martel ; je parie que vous n’en avez pas tant fait. Je voudrais bien que vous eussiez été à portée de les perdre ; j’en donnerais le double pour vous voir à Paris.

Ah ! quittez pour la liberté
Sacs, bonnet, épice, et soutane,
Et le palais de la chicane
Pour celui de la volupté.

M. de Formont m’a écrit une lettre charmante. Je ne lui ai pas encore fait de réponse ; je ne sais où le prendre. Je vous en prie, mon cher ami, quand vous verrez Jore, dites-lui qu’il m’envoie dans un paquet, par le coche, quatre Henriade en grand, et quatre en petit, de l’édition de Hollande. Je les recevrai comme j’ai reçu Ériphyle et Zaïre, sans aucune difficulté.

Adieu ; je vous embrasse bien tendrement. V.