Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 278

Correspondance de Voltaire/1732
Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 289-290).
◄  Lettre 277
Lettre 279  ►

278. — Á M. DE CIDEVILLE.
25 d’août.

Mes chers et aimables critiques, je voudrais que vous pussiez être témoins du succès de Zaïre ; vous verriez que vos avis ne m’ont pas été inutiles, et qu’il y en a peu dont je n’aie profité. Souffrez, mon cher Cideville, que je me livre avec vous en liberté au plaisir de voir réussir ce que vous avez approuvé. Ma satisfaction s’augmente en vous la communiquant. Jamais pièce ne fut si bien jouée que Zaïre, à la quatrième représentation. Je vous souhaitais bien là : vous auriez vu que le public ne hait pas votre ami. Je parus dans une loge, et tout le parterre me battit des mains. Je rougissais, je me cachais, mais je serais un fripon si je ne vous avouais pas que j’étais sensiblement touché. Il est doux de n’être pas honni dans son pays ; je suis sûr que vous m’en aimerez davantage. Mais, messieurs, renvoyez-moi donc Ériphyle, dont je ne peux me passer, et qu’on va jouer à Fontainebleau. Mon Dieu, ce que c’est que de choisir un sujet intéressant ! Ériphyle est bien mieux écrite que Zaïre : mais tous les ornements, tout l’esprit, et toute la force de la poésie ne valent pas, à ce qu’on dit, un trait de sentiment. Renvoyez-moi cependant mon paquet par le coche. J’en ai un besoin extrême ; mais j’ai encore plus besoin de vos avis. Adieu, mes chers Cideville et Formont.


Quod si me tragicis vatibus inseres,
Sublimi feriam sidera vertice.

(Hor., lib. I, od. i, v. 36.)
Je vous demande en grâce de passer chez Jore, et de vouloir bien le presser un peu de m’envoyer les exemplaires de l’édition de Hollande. Adieu ; je vous embrasse bien tendrement.