Correspondance de Voltaire/1731/Lettre 224

Correspondance de Voltaire/1731
Correspondance : année 1731GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 229-230).
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224. — À M. DE FORMONT.
À Paris, ce 8 septembre.

Je reçois trois de vos lettres ce matin. Je réponds d’abord à celle qui m’intéresse le plus, et vous vous doutez bien que c’est celle qui contient les vers sur la mort de ce pauvre M. de La Faye.


Vos vers sont comme vous, et, partant, je les aime ;
Ils sont pleins de raison, de douceur, d’agrément :
En peignant notre ami d’un pinceau si charmant,
Formont, vous vous peignez vous-même.


J’ai déjà mandé à M. de Cideville que Jules César avait désarmé la critique impitoyable de M. de Maisons, mais qu’il tenait encore bon contre Ériphyle.

Je ne sais si je vous ai fait part du discours que m’a tenu le jeune M. de Chauvelin, vrai protecteur des beaux-arts. « Avez-vous fait imprimer Charles XII ? » m’a-t-il dit ; et sur ce que je répondais un peu en l’air : « Si vous ne l’avez pas imprimé, a-t-il ajouté, je vous déclare que je le ferai imprimer demain. »

C’est un homme charmant que ce M. de Chauvelin, et il nous le fallait pour encourager la littérature. Il combat tous les jours pour la liberté contre M. le cardinal de Fleury et contre monsieur le garde des sceaux. Il fait imprimer le de Thou[1] et le fait traduire en français. Il soutient tant qu’il peut l’honneur de notre nation, qui s’en va grand’erre.

Encouragé par votre suffrage et par sa bonne volonté, j’ai, je vous l’avoue, une belle impatience de faire paraître Charles XII. S’il n’en coûte que soixante livres de plus par terre, je vous supplie de le faire venir par roulier, à l’adresse de M. le duc de Richelieu, à Versailles ; et moi, informé du jour et de l’heure de l’arrivée, je ne manquerai pas d’envoyer un homme de la livrée de Richelieu, qui fera conduire le tout en sûreté. Si les frais de voiture sont trop forts, je vous prie de le faire partir par eau pour Saint-Cloud, où j’enverrai un fourgon. Il ne me reste qu’à vous assurer de la reconnaissance la plus vive et de l’amitié la plus tendre.

Au nom du bon goût, que mon cher Cideville achève donc ce qu’il a si heureusement commencé ! Je l’embrasse de tout mon cœur.

J’ai fait mieux que vous à l’égard de Séthos ; je ne l’ai point lu[2].

  1. La traduction par Le Mascrier, Adam, Lebeau, et autres, ne parut qu’en 1734, 16 vol. in-4o. Voyez plus bas, lettre 297, la note concernant M. Rouillé.
  2. Voltaire lut plus tard le Séthos, de Terrasson, 1731, trois volumes in-12, et fit une épigramme sur cet ouvrage : voyez tome X. Il le juge moins sévèrement dans le Siècle de Louis XIV : voyez tome XIV, page 139.