Correspondance de Voltaire/1731/Lettre 225

Correspondance de Voltaire/1731
Correspondance : année 1731GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 230-231).
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225. — À M. DE CIDEVILLE.
À Paris, ce 27 septembre 1731.

Mon cher ami, la mort[1] de M. de Maisons m’a laissé dans un désespoir qui va jusqu’à l’abrutissement. J’ai perdu mon ami, mon soutien, mon père. Il est mort entre mes bras, non par l’ignorance, mais par la négligence des médecins. Je ne me consolerai de ma vie de sa perte et de la façon cruelle dont je l’ai perdu. Il a péri, faute de secours, au milieu de ses amis. Il y a à cela une fatalité affreuse. Que dites-vous de médecins qui le laissent en danger, à six heures du matin, et qui se donnent rendez-vous chez lui à midi ? Ils sont coupables de sa mort. Ils laissent six heures sans secours un homme qu’un instant peut tuer ! Que cela serve de leçon à ceux qui auront leurs amis attaqués de la même maladie ! Mon cher Cideville, je vous remercie bien tendrement de la part que vous prenez à la cruelle affliction où je suis. Il n’y a que des amis comme vous qui puissent me consoler. J’ai besoin plus que jamais que vous m’aimiez. Je me veux du mal d’être à Paris. Je voudrais et je devrais être à Rouen. J’y viendrai assurément le plus tôt que je pourrai. Je ne suis plus capable d’autre plaisir dans le monde que de celui de sentir les charmes de votre société.

Je ne vous mande aucune nouvelle ni de moi, ni de mes ouvrages, ni de personne. Je ne pense qu’à ma douleur et à vous.

  1. Voyez la note 4 de la page 100.