Correspondance de Voltaire/1724/Lettre 120

Correspondance de Voltaire/1724
Correspondance : année 1724GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 117-118).
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120. — À M. THIERIOT[1].
À Paris, … ce jeudi, à minuit.

Me si fata meis paterentur ducere vitam
Auspiciis, et sponte mea componere curas,

Virg.Énéide.

je serais avec vous à la Rivière, mon cher Thieriot, et je me ferais un grand plaisir de parler avec vous de Bèlus et de Sèmiramis, et avec Mme de Bernières de Clodion le Chevelu[2]. Me voici replongé avec douleur dans ce maudit gouffre de Paris, accablé d’affaires et de fatigues. Je ferai imprimer ici notre Mariamne, ce qui m’y retiendra quelque temps. J’ai appris qu’on avait réimprimé mon poëme avec quelques autres pièces fugitives de moi. Je vais travailler à les faire saisir. Le soin de faire achever mon appartement et de le faire meubler m’emporte tout mon temps. Je suis entouré d’ouvriers, comme Mme de Bernières. Tout cela altère un peu ma chétive santé. Je vis hier votre frère, qui m’a du moins épargné l’embarras de choisir des étoffes pour m’habiller, et qui m’a, en cela, beaucoup soulagé : car je ne vaux rien pour le détail.

Du reste, je ne sais aucune nouvelle. Je n’ai encore vu personne, et je pourrais bien sortir de Paris sans avoir rien vu que des imprimeurs et des livres. Je vous enverrai un poëme de la nouvelle édition, dès que j’en aurai attrapé un exemplaire, et à votre retour je vous montrerai bien des choses nouvelles qui auront, je crois, le mérite de vous amuser un peu.

P. S. Je ne sais, mon cher Thieriot, si je vous ai mandé que cette nouvelle édition du poëme est accompagnée de beaucoup de pièces fugitives, dont quelques-unes ne sont pas de moi, et dont les autres ne sont pas ce que j’ai fait de mieux. — Adressez votre lettre rue de Beaune, comme à l’ordinaire.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. À la Rivière-Bourdet, on se livrait alors à l’étude de l’histoire. (G. A.)