Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 103

Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 105-106).
◄  Lettre 102
Lettre 104  ►

103. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

20 décembre.

Je reçus votre dernière lettre hier 19, et je me hâte de vous répondre, ne trouvant-point de plus grand plaisir que de vous parler des obligations que je vous ai. Vous, qui n’avez point d’enfants, vous ne savez pas ce que c’est que la tendresse paternelle, et vous n’imaginez point quel effet font sur moi les bontés que vous avez pour mon petit Henri. Cependant l’amour que j’ai pour lui ne m’aveugle pas au point de prétendre qu’il vienne à Paris dans un char traîné par six chevaux ; un ou deux bidets, avec des bâts et des paniers, suffisent pour mon fils. Mais apparemment que votre fourgon vous apporte des meubles, et que Henri sera confondu dans votre équipage. En ce cas, je consens qu’il profite de cette voiture ; mais je ne veux point du tout qu’on fasse ces frais uniquement pour ce marmouset. Je vous recommande instamment de le faire partir avec plus de modestie et moins de dépense ; Martel est surtout inutile pour conduire ce petit garçon. Je vous ai déjà mandé que vous eussiez la bonté d’empêcher qu’on ne lui fît ses deux mille habits[1] : ainsi il sera prêt à partir avec vous, et il pourra vous suivre dans votre marche avec deux chevaux de bât, qui marcheront derrière votre carrosse, et qui vous quitteront à Boulogne, où il faudra que mon bâtard s’arrête.

Le jour de votre départ s’avance, et je crois que vous ne le reculerez pas. Je n’aurai jamais en ma vie de si bonnes étrennes que celles que me prépare votre arrivée pour le jour de l’an.

  1. C’est-à-dire qu’on ne fit pas brocher ou relier les deux mille exemplaires de la Ligue (Henriade) imprimés par Viret. (Cl.)