Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 104

Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 106-107).
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104. — À M. DE CIDEVILLE.

28 décembre.

Déjà de la Parque ennemie
J’avais bravé les rudes coups ;

Mais je sens aujourd’hui tout le prix de la vie,

Par l’espoir de vivre avec vous.

Les vers que vous dicta l’amitié tendre et pure,
Embellis par l’esprit, ornés par la nature,
Ont rallumé dans moi des feux déjà glacés.


Mon génie excité m’invite à vous répondre ;
Mais dans un tel combat que je me sens confondre !
En louant mes talents, que vous les surpassez !
Je ressens du dépit les atteintes secrètes.
Vos éloges touchants, vos vers coulants et doux,
S’ils ne me rendaient pas le plus vain des poëtes,

M’auraient rendu le plus jaloux.

Voilà tout ce que la fièvre et les suites misérables de la petite vérole peuvent me permettre. Le triste état où je suis encore m’empêche de vous écrire plus au long ; mais comptez, mon cher monsieur, que rien ne peut m’empêcher d’être sensible, toute ma vie, à votre amitié, et que je la mérite par ma tendresse et mon estime respectueuse pour vous.