Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1845
Eh bien, mon cher ami, c’est le cas de dire comme dans Laurent-Pichat :
Merci de votre lettre. Elle m’a fait plaisir de toutes les façons. Mais, mon pauvre cher bougre, que je vous plains de n’avoir pas le temps de travailler ! comme si un bon vers n’était pas cent mille fois plus utile à l’instruction du public que toutes les sérieuses balivernes qui vous occupent ! Les idées simples sont difficiles à faire entrer dans les cervelles.
Oui, j’ai lu la brochure de Zola[1]. C’est énorme ! Quand il m’aura donné la définition du Naturalisme, je serai peut-être un Naturaliste. Mais d’ici là, moi pas comprendre.
Et Hennique qui a fait, aux Capucines, une conférence sur le Naturalisme !!! Oh ! mon Dieu ! mon Dieu !
La Vie Moderne me paraît encore plus bête que la Vie Parisienne. Est-ce assez… artistique ! hein ? et les dessins qui n’ont aucun rapport avec le texte ! et la critique de Bergerat ! Je suis indigné que mon nom soit sur la couverture, mais j’espère que ce… n’aura pas la vie longue.
Une chose m’a réjoui : les funérailles de Villemessant. Quelle pompe ! Mais on n’y pense déjà plus. Le Peuple est ingrat.
Vous ne me verrez pas avant le 20 mai. Je veux, avant d’aller à Paris, en avoir fini avec le magnétisme, c’est-à-dire être à la moitié de mon chapitre. Mais irai-je à Paris ? Franchement, rien ne m’y attire, sauf vous, mon cher Guy.
Je continue à n’être pas d’une gaieté excessive et je vous embrasse avec toute la tendresse dont est capable le cœur de votre vieux.
Est-ce que Huysmans a été choqué de ma lettre ?
Lisez donc la Correspondance de Berlioz. Voilà un homme ! et qui exécrait le bourgeois ! ça enfonce Balzac !
- ↑ La République française et la littérature.