Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1719

Louis Conard (Volume 8p. 98-99).

1719. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, jeudi 2 heures, 29 novembre 1877.
Mon Loulou

Ton mari est venu, hier, dîner à Croisset, et nous avons passé la soirée à deviser gentiment.

« Les Affaires » me paraissent prendre une assez bonne tournure. Il faut voir ce qui adviendra du côté de Mme Pelouze. Tâche d’être extra-aimable quand tu lui seras présentée, la semaine prochaine. C’est une bonne femme, avec qui il faut aller rondement.

[……] Si le voyage de Trieste s’effectue, vous serez peut-être partis avant que je ne sois retourné à Paris, où je vivrai seul pendant un bon mois.

Depuis ton départ, j’ai écrit à peu près cinq pages ; il m’en faut encore huit pour faire mes paquets et j’ai, de plus, bien des lectures à débrouiller…

Rien de neuf, mon Caro ! [……] Je continue mon existence de « petit-père tranquille », d’autant mieux que Chevalier a tué sa tourterelle.

Bidault, notaire, croit que je travaille tout au plus une heure par jour ! il a exprimé cette opinion à ton époux ! Vraiment, les bourgeois vous supposent trop de génie !

À propos d’imbéciles, je pense à Mac-Mahon et aux Jacques qui l’admirent. Comment ! la bonne Flavie, elle aussi, croit à ce « sauveur » ? Elle est sur la pente de la décadence ; c’est triste !…

Tu me ferais plaisir d’écrire à mon disciple que tu es à Paris, pour qu’il vienne te voir et que j’aie de ses nouvelles. Passe chez Mme Brainne, toujours malade ; ce sera aimable à toi.

Bouvard et Pécuchet vont bien. Le chapitre suivant se dessine dans ma tête et, pour celui que je fais, il me semble que je le tiens. Je ne comprends pas que tu sois si longtemps à tes rangements, et mon cœur d’oncle et d’artiste brûle de savoir l’opinion de tes professeurs sur tes œuvres de cet été.

Adieu, pauvre chérie.

Ta Nounou.