Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1718

Louis Conard (Volume 8p. 96-98).

1718. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, vendredi, 10 h. ½, 23 novembre 1877.
Mon pauvre Caro,

Mon épître ne sera pas longue, car il faut que je m’habille et que je déjeune pour aller à la Bibliothèque, où je retournerai probablement demain. Trois jours de suite à Rouen ! Vois-tu ça ! Y a-t-il, dans l’antiquité, de plus grands exemples d’héroïsme !

L’inauguration du buste du père Pouchet s’est très bien passée : un M. B*** (qui n’est pas B*** le médecin) a prononcé un discours stupide, un vrai morceau ! Celui de Pennetier était convenable, ainsi que celui du maire ; mais le bon Georges a ému son auditoire par quelques paroles bien senties.

Parmi les autorités se trouvait Limbourg, qui m’a accablé de politesses. Il a fendu la foule deux fois pour me serrer la main. Problème ! Note que je n’exagère nullement : tout le monde l’a remarqué.

Le soir j’ai dîné chez Pennetier, très bon dîner, avec Pouchet et M. X***, directeur de l’aquarium du Havre. Ce monsieur, qui a longtemps habité le Sénégal, nous a raconté des histoires de singe, adorables ! une surtout, qui m’a transporté… et fait faire des réflexions philosophiques.

J’ai rencontré l’⦚⦚, à qui j’ai fait ta commission. Il m’a répondu : « Je suis flatté ! je suis flatté ! » en réplique à cette fin de phrase : « …son indignation » (l’indignation de Mme Commanville).

G. Pouchet, pendant quelque temps, va aller toutes les semaines à l’aquarium du Havre. Je le verrai à la fin de la semaine prochaine, probablement.

À partir de demain soir, Monsieur ne veut plus bouger de son « antre ». Pour finir avant le jour de l’an mon archéologie, je n’ai pas une heure à perdre.

Votre rentrée à Paris s’est bien passée, il me semble. Je suis content que tu aies fait une connaissance aussi agréable : on n’en a pas trop de cette nature. J’aime le jeune Lecomte, et je regrette de n’avoir pas été à la première de la reprise d’Hernani : le spectacle de cet enthousiasme m’aurait renforcé dans mes principes, ou du moins dans celui-ci : « le mépris de l’opinion contemporaine ».

Laporte m’a dit qu’on était, à Paris, de plus en plus indigné contre Bayard.

Allons, adieu ; je n’ai que le temps de t’envoyer deux bons bécots.

Vieux.

Le jeune P*** chante des hymnes en l’honneur de ta peinture. Mais des éloges ! des éloges !

(Agence Nion.)