Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1697

Louis Conard (Volume 8p. 64-65).

1697. À MAURICE SAND.
[Saint-Gratien], mercredi 29 août [1877].

Je vous remercie de votre bon souvenir, mon cher Maurice. L’hiver prochain, vous serez à Passy, je l’espère, et nous pourrons tailler de temps à autre une forte bavette. Je compte même me faire contempler à votre table par celui de vos amis dont je suis « l’idole » !

Vous me parlez de votre chère et illustre maman ! Après vous, je ne crois pas que quelqu’un puisse y penser plus que moi ! Comme je la regrette ! Comme j’en ai besoin.

J’avais commencé Un Cœur simple à son intention exclusive, uniquement pour lui plaire. Elle est morte, comme j’étais au milieu de mon œuvre.

Il en est ainsi de tous nos rêves.

Je continue à ne pas me divertir dans l’existence. Pour en oublier le poids, je travaille le plus frénétiquement qu’il m’est possible.

Ce qui me soutient, c’est l’indignation que me procure la bêtise du Bourgeois ! Résumée actuellement par le grand parti de l’Ordre, elle arrive à un degré vertigineux ! A-t-il existé, dans l’histoire, quelque chose de plus inepte que le 16 mai ? Où se trouve un idiot comparable au Bayard des temps modernes ?

Je suis à Paris, ou plutôt à Saint-Gratien, depuis trois jours ; après-demain je quitte la Princesse, et dans une quinzaine je ferai un petit voyage en Basse-Normandie, pour cause de littérature. Quand nous nous verrons, je vous parlerai longuement, si cela vous intéresse, du terrible bouquin que je suis en train de confectionner. J’en ai encore pour trois ou quatre ans, pas moins !

Ne me laissez pas si longtemps sans m’envoyer de vos nouvelles. Donnez pour moi un long regard au petit coin de terre sacré !…

Amitiés à votre chère femme, embrassez les chères petites.

Et tout à vous, mon bon Maurice.

Votre vieux.