Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1610

Louis Conard (Volume 7p. 348-349).

1610. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, mercredi soir [19 septembre 1876].
Princesse,

Voilà le beau temps qui revient, aussi je me permets de vous rappeler votre promesse et même votre « parole d’honneur ». Quand vous verrai-je ? Quand aurai-je le bonheur de vous voir dans ma pauvre maison ?

J’y ai maintenant Tourgueneff, qui ne va pas tarder à en repartir. Ma nièce est retenue sur un divan par un mal de pied, mais elle sera debout quand vous viendrez.

M. Espinasse m’a écrit pour me prier de lui envoyer (dès qu’ils seront parus) les Contes que je vous ai lus. Cette lettre me prouve que vous lui avez parlé de moi avec indulgence, ce qui ne m’étonne pas.

En revenant à Paris, à la fin de la semaine dernière, j’ai rencontré M. Sauzay, qui m’a dit que vous deviez avoir chez vous Mlle Judic. Vous a-t-elle amusée ?

La représentation de Fromont jeune a été fort belle. C’était une première intéressante.

Mais le roman vaut mieux que la pièce.

Elle a réussi plutôt par ses défauts que par ses mérites, tant le public est bête ! Goncourt y grelottait et moi j’y crevais de chaleur. Du reste, le contact de la foule me devient de plus en plus odieux, votre ami n’étant pas démocrate.

Il me semble que j’oublie de vous remercier pour les beaux jours que j’ai passés dernièrement à Saint-Gratien ! Mon cœur se dilate chaque fois que je franchis votre seuil, car vous savez tous les sentiments que j’ai pour votre altesse.

À bientôt, n’est-ce pas ? Et d’ici là je suis, comme toujours, en vous baisant les mains,

Votre très affectionné et dévoué.