Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1081

Louis Conard (Volume 6p. 92-94).

1081. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi, minuit [15 novembre 1869].

Rien de nouveau, mon loulou. Ta bonne maman va bien, quoique hier, au dîner que j’ai fait chez toi avec d’Osmoy, je n’aie pas trouvé ses oreilles ni son moral en aussi bon état que mercredi dernier[1]. Cela tenait peut-être à ce qu’elle nous avait attendus trop longtemps pour dîner. En effet, ton brave homme d’oncle est accablé d’affaires à en perdre la boule.

Non seulement 1o  mon livre va paraître, mais 2o  il est question de jouer Aïssé prochainement (il n’y a rien encore de positif) ; 3o  nous travaillons toujours la Féerie ; 4o  nous intriguons souverainement pour la faire recevoir, et 5o  j’ai eu et j’ai encore une autre histoire (qui ne me regarde pas) et que je te conterai dans le silence du cabinet.

Des fragments de l’Éducation sentimentale paraîtront demain dans une trentaine de journaux. La semaine est mal choisie à cause de la politique, qui change d’aspect cependant, car Rochefort est complètement démonétisé et il pourrait bien ne pas être nommé ; l’opposition est en baisse dans l’opinion publique.

Tu ne m’as pas l’air de faire un voyage bien pittoresque, et il me semble que, sans ta compagne, tu t’ennuierais.

Ta bonne maman a dû aller chez Racaut pour obtenir qu’il envoie des ouvriers. Rien, mais absolument rien n’est fait chez vous : il faudrait l’œil du maître et le maître devra même faire les gros yeux.

J’ai reçu une lettre de Mme Sandeau qui s’informe beaucoup de toi.

Demain je dîne chez la Princesse et jeudi chez Du Camp. Voilà toutes les nouvelles.

Ton vieux ganachon qui t’aime.

Je suis curieux de voir le petit chien, quoique je désapprouve ce surcroît de personnel. Ce sont des embarras et des chagrins que tu te prépares, mon Caro.


  1. Mme Flaubert s’était installée chez sa petite-fille, 77, rue de Clichy.