Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1080

Louis Conard (Volume 6p. 91-92).

1080. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, mercredi soir, 11 heures. [10 novembre 1869.]
Mon Loulou,

J’ai reçu tantôt ta dépêche télégraphique datée de 11 h. 35 minutes, et presque en même temps ta bonne lettre de lundi 8.

Je les ai montrées l’une et l’autre à ta grand’mère qui est arrivée à 4 h. ½, car elle ne pouvait plus tenir à Croisset. Elle est, présentement, à l’Hôtel du Helder où elle restera jusqu’à ce que sa chambre, chez toi, soit prête. Les ouvriers n’avancent à rien ! Ils viennent à 3 heures et s’en vont à 4 ! Vous trouverez à votre retour bien peu de besogne faite !

Tu apprendras avec plaisir que ta bonne maman va très bien. Il y a peut-être quatre ans que je ne l’ai vue en si bon état. Son moral est excellent et pas une fois pendant le dîner je ne me suis aperçu qu’elle était sourde. Elle ne m’a pas fait répéter un seul mot ! C’est incompréhensible ! Je crois que c’est l’effet de la joie d’avoir quitté sa solitude.

Mme Laurent vient demain dîner avec elle. Elle grille d’envie de voir votre hôtel. Mais je l’ai priée d’attendre que son appartement soit prêt.

Mon roman paraîtra, sans faute, mercredi prochain 17, jour de l’ouverture du canal de Suez.

Ma princesse est partie ce matin pour Compiègne.

D’Osmoy revient vendredi retravailler à la Féerie.

Voilà toutes les nouvelles.

Moi aussi, pauvre loulou, je voudrais être chez toi. Tu me dis, sur notre petit dîner de l’autre jour, précisément ce que j’ai senti. Nous nous entendons bien, n’est-ce pas, ma chère Carolo ?

Quand reviens-tu ? il y a si longtemps qu’on ne s’est vu un peu longuement ! Mon intention est de m’en retourner à Croisset vers le 20 décembre et d’y rester jusqu’à la fin de janvier. Puis j’irai passer huit jours chez Mme Sand ; je reviendrai à Paris et j’en partirai avec vous au mois de mai pour aller à Croisset travailler à ce brave Saint Antoine.

À la fin de cette semaine j’arrangerai la fameuse fourrure. J’espère dans une huitaine posséder le complément de mon mobilier, et mon bouquin paraîtra en même temps ! il ne me manquera (pour compléter mon luxe) que ma fameuse nièce. Deux bons baisers sur ta gentille mine.

Vieux.