Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0796

Louis Conard (Volume 5p. 150-151).

796. À JULES DUPLAN.
Croisset, dimanche [fin juillet-début août 1864].

Comme je suis content de ta lettre de ce matin, mon bon vieux ! enfin te voilà casé, et dans une position qui te plaît. Si toi ou ton patron aviez besoin du consul du Caire, fais-le-moi savoir : je lui écrirai ce que tu voudras. Ledit consul se nomme le comte de Sainte-Foix, et est un excellent bougre.

Tu vas donc entrer en relations avec les rois nègres dont parle le Vieux. J’espère que tu vas puiser là quelques exemples pour renforcer tes principes…

Ce brave Cernuschi était si content de cette nouvelle que c’est là la première chose qu’il m’ait dite mercredi soir, où je l’ai trouvé dans son lit, couché.

J’ai vu aussi, à Frascati, le prince Napoléon, superbe et orné de bas écossais.

Depuis que nous nous sommes quittés, j’ai lu toute la collection des Guêpes, piètre lecture, du Saint-Simon (celui des saint-simoniens et non de Louis XIV), du Fourier, du Lacordaire et du Lamennais ; tout cela n’est pas démesurément amusant, ni même fort. Je me suis retrempé hier au soir, au débotté comme dit Villemessant, en relisant le deuxième volume de la Philosophie[1], et toujours avec un nouveau plaisir.

Je n’ai guère pensé à mon roman, au milieu de mes villégiatures (mot du grand monde) consécutives ; je ne me mettrai à la copie qu’après mon voyage de Montereau, vers la fin d’août.

L’artiste Feydeau a dédié son roman[2] à Monseigneur.

Pleut-il à Paris autant qu’à Trouville et qu’à Croisset ? Je suis décidément embêté de la France, et de moi aussi ! Je voudrais aller vivre pendant trois ans en Italie ; ça me rajeunirait, mais…

Adieu, mon bon vieux, je t’embrasse bien fort. Ton G. F.


  1. La Philosophie dans le boudoir, du Marquis de Sade, que Flaubert appelle « le Vieux » quelques lignes plus haut.
  2. Le Secret du bonheur.