Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0791
J’apprends ce matin, par une lettre de ta grand’mère, que vous vous disposez à venir samedi prochain à Paris. Je serai de retour à Croisset au plus tard le mercredi suivant. Vous devriez bien retarder votre voyage jusque-là, afin de ne pas laisser la pauvre bonne femme toute seule ; elle va s’ennuyer à périr, n’ayant autour d’elle ni sa petite, ni son grand petit.
Je laisserai Eugène pour vous servir, si vous voulez.
Quand entrez-vous dans votre maison de Rouen, c’est-à-dire quand quitterez-vous Croisset ? J’espère que je vais t’y voir pendant quelque temps encore. Comme il y a longtemps que je n’ai contemplé et bécoté à l’aise mon pauvre loulou !
Tu ne m’as donné aucune nouvelle de cette pauvre Flavie.
Je suis invité à aller aujourd’hui chez son préfet, le sieur Janvier, me livrer à un bal suivi d’un gueuleton épique ; mais je me prive de ce plaisir.
Te voilà donc devenue une canotière. La voile fait une peur abominable à ta grand’mère : j’ai été obligé, autrefois, de renoncer à ce plaisir pour lui laisser la tranquillité. C’est un sacrifice qui m’a coûté, je l’avoue ; mais on en fait tant dans cette gueuse d’existence !
Sur ce, je t’embrasse et vais passer mes baûttes pour aller à la Bibliothèque lire des choses ineptes et prendre des notes sur icelles.
Adieu, ma chère Caroline.