Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0790
Il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai reçu de nouvelles de ta grand’mère. Dis-lui de ne pas oublier de me répondre relativement à la chambre de la rue de Vendôme.
Quand venez-vous à Paris ? Retardez votre voyage tant que vous pourrez, afin de ne pas laisser seule la pauvre maman qui s’ennuierait trop dans la solitude. Mon séjour ici sera bien encore de quinze bons jours (mais pas plus) ; il me faut bien cela pour en finir (momentanément du moins) avec mes ennuyeuses recherches. Mes séances à la Bibliothèque Impériale ne sont pas douces, d’autant plus que je me prive à peu près de déjeuner afin d’y arriver de meilleure heure ; et quelle compagnie ! J’étais, hier, à côté d’un véritable La Pommerais[1], un bourgeois qui empoisonnait.
J’ai vu Mme Cloquet, qui désire beaucoup faire la connaissance de Monsieur mon neveu, et Mlle Bosquet, qui m’a dit avoir reçu une lettre de toi.
À propos d’amies, as-tu des nouvelles de cette pauvre Flavie[2] ? Où est-elle maintenant ?
Je vous envie beaucoup de vous promener le soir en canot, au clair de lune, s’il ne fait pas froid toutefois ; depuis avant-hier, « la température a baissé et le fond de l’air… », etc.
Mon dimanche a été des plus solitaires, et je n’ai pas même eu mon petit Duplan (il est chez Du Camp, qui part pour l’Italie dans cinq ou six jours). Aussi en ai-je profité pour expédier des livres que l’on m’a prêtés. Ce soir je vais aller, pour la première fois, chez la princesse Mathilde.
Adieu, ma chère Carolo.
- ↑ La Pomerais, célèbre empoisonneur, guillotiné à Paris en 1864. Docteur en médecine, il empoisonna sa belle-mère Mme Dubizy et, un peu plus tard, sa maîtresse Mme de Panno, après lui avoir fait contracter à son profit une assurance sur la vie de 550 000 francs. Les débats de ce procès passionnèrent l’opinion publique.
- ↑ Flavie Vasse Saint-Ouen.