Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0723

Louis Conard (Volume 5p. 27-28).

723. À MADEMOISELLE AMÉLIE BOSQUET.
[Croisset] mardi soir [milieu de juin 1862].

Hélas non ! Salammbô n’est pas encore vendue. Mais quelque chose de pire, c’est qu’elle n’est pas terminée. Croiriez-vous que je suis encore dessus, à enlever les répétitions de mots et à changer les substantifs impropres ? Je me meurs d’ennui « à la lettre », comme dit élégamment le père Hugo.

Et puis, l’avenir m’inquiète. Que vais-je faire ?

Je suis plein de doutes, de rêves et de peurs. Une œuvre, quelle qu’elle soit, est pour moi un long voyage ; j’hésite à m’embarquer, et j’en ai d’avance mal au cœur.

Vous me semblez, en revanche, ma chère confrère, en bien bon train. J’imagine que ce sera bon.

Ne vous pressez pas, rassemblez toutes vos forces, mettez là toute votre âme.

J’irai vous voir un des jours de la semaine prochaine.

En attendant, je vous embrasse bien tendrement.

Le vôtre.