Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0724

Louis Conard (Volume 5p. 28-29).

724. À JULES DUPLAN.
[Croisset] lundi soir [30 juin 1862].

Vous pouvez envoyer chercher le manuscrit chez Du Camp (il est maintenant à Bade) où Jenny[1] le remettra au porteur ; c’est convenu. Que ton frère le garde jusqu’à nouvel ordre.

Pas de nouvelles de Lacroix[2] ! Au reste, peu m’importe. L’idée seule de Salammbô m’assomme comme si on me f… un coup de bâton sur la tête.

Monseigneur doit arriver à Paris ; surveille-le un peu. Il m’a l’air tout disposé à se laisser mener par cet âne de Thierry. Voilà Beauvallet parti, ce que je juge déplorable, et par sa négligence il perd Plessy, qui est seule capable de jouer sa duchesse. Monseigneur est si bon ! Mais pour atteindre d’abord à un « canonicat », il faut s’y prendre autrement.

Je ne suis pas gai, mon pauvre vieux. Peu d’imagination ; le petit bonhomme se sent usé ; je rêvasse, je patauge. Tout ce que j’entrevois me semble impossible ou déplorable. Et toi ? Édouard m’a dit que tu n’étais guère hilare.

Peux-tu me dire si Théo est revenu d’Angleterre, et s’il a fait un ou des articles au moniteur ? La suppression du musée Campana a dû mettre les Cornu dans un bon état. Voilà ce que l’on gagne à servir les souverains.

Adieu, pauvre vieux ; je t’embrasse tendrement.

P. S. Stimule Monseigneur. J’ai découvert un abbé Pruneau. Ainsi s’appelle le grand vicaire actuel de l’évêque de Meaux.


  1. Vieille bonne de Du Camp.
  2. Lacroix, Verboeckhen et Cie, éditeurs de Bruxelles.