Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0653

Louis Conard (Volume 4p. 390-391).

653. À MAXIME DU CAMP[1].
[Paris ? Vers le 15 août 1860].

[…] Si tu as devant toi cinq minutes, mon bon Max, envoie-moi un mot seulement que je sache ce que tu deviens, sacrebleu ! Si tu es mort, vif ou blessé. Je fais tout ce que je peux pour ne point penser à toi ; mais ton souvenir m’obsède et me revient cent fois par heure. Je te vois dans des positions atroces ; j’ai l’imagination fertile en images, tu le sais ; je compose des tableaux qui ne sont pas gais et qui me serrent le cœur. Je ne te demande aucun détail, bien entendu ; je veux savoir seulement ce que tu deviens. Te souviens-tu de ce réfugié italien qui, à Jérusalem, t’appelait : « mon colonel » ? C’était donc une prophétie ! Animal ! Tu ne te tiendras donc jamais tranquille ! Ici, rien de neuf, calme plat. Quant à moi je m’enfonce de plus en plus dans Carthage ; je travaille vigoureusement, mais j’en ai pour une année encore. Les répétitions de la pièce de Bouilhet commenceront à l’automne, la première représentation aura lieu vers le milieu de novembre. Adieu, mon vieux compagnon ! Je t’embrasse bien tendrement ; bonne chance ! Bonne santé, bonne humeur et evviva la libertà !


  1. Fragment extrait des Souvenirs littéraires de Du Camp, II, 171. Du Camp était allé rejoindre, en Italie, les partisans de Garibaldi.