Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0635
Jamais ! Jamais ! Jamais ! C’est une enfonçade qu’on te prépare, et sérieuse. Au nom du ciel ! Ou plutôt en notre nom, mon pauvre vieux, je t’en supplie, ne fais pas cela ! C’est impossible de toute manière[1].
Quant à Thierry, il a été gentil ; c’est bien. Mais, 1o tu le mérites, 2o il y avait intérêt. Réponds-lui le plus poliment, le plus longuement possible si tu veux. Mais un voyage est inutile, on t’enfoncerait. Ne cède pas. Ne viens pas à Paris ; dis que tu es tout entier à ta pièce[2], ce qui est vrai, et qu’une comédie servira mieux « les Français » qu’une ode. Ce serait, selon moi, une canaillerie politique et une cochonnerie littéraire. Je défie qui que ce soit de faire là-dessus rien de passable. Laisse de semblables besognes à Philoxène et à Théo. Je t’embrasse. À toi.
Encore une fois et mille fois, non !
P. S. — Quand même ça servirait au commerce de Carthage, non !
- ↑ Thierry, administrateur général de la Comédie-Française, avait demandé à Bouilhet une « ode patriotique » sur le sujet de l’annexion très prochaine de la Savoie à la France. M. Letellier (op. cit., p. 284) cite la lettre de Thierry, du 13 mars, de laquelle Bouilhet, très embarrassé, prit conseil de Flaubert. (Note de René Descharmes, édition Santandréa.)
- ↑ L’Oncle Million.