Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0079
Je te remercie bien, mon bon rat, de la lettre tu m’as envoyée hier ; elle était gentille et spirituelle comme toi, abondante en traits d’esprit que j’ai appris par cœur, et que je donnerai à la première occasion comme étant de moi. Il paraît que les Maupassant sont toujours en belle humeur, et que les facéties découlent mieux que jamais de leurs lèvres. Je regrette de n’avoir pas assisté au déjeuner où ils en ont tant dit ; j’aurais fait ma partie.
J’ai été hier chez les Collier ; Gertrude avait commencé une lettre pour toi. Elle ne sort pas des bals ; c’est un devoir pour elle de n’en pas manquer un seul.
Courage, mon vieux rat, pour samedi prochain. Allons, de l’aplomb, nom d’un tonnerre ! Là, un, deux, un, deux, pas trop vite ! ferme les trilles ! brrr les petites gammes ! ne perdons pas la tête !
Puisque tu fais de la géométrie et de la trigonométrie, je vais te donner un problème : Un navire est en mer, il est parti de Boston chargé de coton, il jauge 200 tonneaux ; il fait voile vers le Havre, le grand mât est cassé, il y a un mousse sur le gaillard d’avant, les passagers sont au nombre de douze, le vent souffle N.-E.-E., l’horloge marque 3 heures un quart d’après-midi, on est au mois de mai… On demande l’âge du capitaine ?