Correspondance 1812-1876, 4/1855/CCCLXXXIII


CCCLXXXIII

À M. CHARLES JACQUE, À BARBIZON


Nohant, 7 janvier 1855.


Ils et elles sont arrivés ce soir bien vivants, et je ne peux pas vous dépeindre la scène d’étonnement et d’admiration de toute la famille, bêtes et autres, à la vue de ces superbes animaux.

Quand tout cela ne donnerait ni œufs ni poulets, c’est tellement beau à voir, qu’on se le payerait encore avec plaisir. On a tout de suite installé la compagnie dans son domicile et mis à l’engrais toute la valetaille, indigne de frayer avec pareille seigneurie. Vos instructions vont être affichées à toutes les portes de l’établissement, et j’aurai le plaisir d’y veiller ; car ce monde-là en vaut la peine.

Que de remerciements je vous dois, monsieur, pour tant de soins et d’obligeance ! C’est si aimable à vous et si fort sans gêne de ma part, que je ne sais comment vous dire combien je vous sais gré d’avoir pris cet embarras ! Je ne croyais pas que vous seriez forcé de veiller vous-même à tout ce détail, et je vois que vous avez choisi de main de maître et surveillé cet envoi avec une complaisance tout amicale. Merci donc mille fois ; mais je ne me tiens pas quitte.

J’aime bien les poules que vous expédiez ; j’aime encore mieux celles que vous faites ; mais j’aimerais mieux encore vous voir à Nohant mettre le nez dans notre famille, parce que je suis sûre que vous vous y trouveriez bien, et qu’une fois venu, vous y reviendriez. Vous me l’aviez promis, et je ne compte pas vous laisser tranquille que vous ne teniez parole.

Maurice vous envoie toutes ses poignées de main et remerciements ; car il était comme un enfant devant l’ouverture de ce panier plein de merveilles, et tous ces grands airs de prisonniers orgueilleux qui relevaient leurs aigrettes en nous regardant de travers.

Veuillez croire à toutes mes sympathies et sentiments vrais pour vous.

GEORGE SAND.