Correspondance 1812-1876, 4/1855/CCCLXXXIV


CCCLXXXIV

À M. CHARLES-EDMOND, À PARIS


Nohant, 7 février 1855.


Je vous remercie bien cordialement, monsieur, et de l’envoi de cette relique, et des bonnes et vraies paroles que vous savez me dire. Je ne peux pas encore parler de cette douleur, elle m’étouffe toujours et j’en dirais trop !

Le plus affreux, c’est qu’on me l’a tuée, ma pauvre enfant[1], tuée de toute façon. Ah ! monsieur, sauvez la vôtre, ne la laissez pas sortir de l’infirmerie, et, quand elle sera guérie, ôtez-la de cette pension où la malpropreté est sordide. Les parents ne laissent pas si facilement mourir leurs enfants quand ils les ont auprès d’eux. Ils ne se fatiguent pas d’une longue convalescence à surveiller, les parents qui sont de vrais parents.

Il y en a qui sont fous et qui croient qu’un enfant est une chose qu’on peut négliger et oublier. Ma pauvre fille n’eût pas laissé mourir la sienne, et moi aussi, je suis bien sûre que je l’aurais sauvée ! Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, monsieur, mais je suis bien touchée de ce que vous me dites.

Merci mille fois ! je fais des vœux bien tendres et bien sincères pour votre chère petite. Ma fille vous remercie aussi.

GEORGE SAND.
  1. Sa petite-fille Jeanne Clésinger.