Correspondance 1812-1876, 4/1854/CCCLXXVIII


CCCLXXVIII

À M. VICTOR BORIE, À PARIS


Nohant, 31 juillet 1854.


Mon pauvre gros,

Es-tu de retour de ton triste voyage ? As-tu de meilleures espérances pour ton pauvre vieux père ? As-tu rapporté un peu de tranquillité, ou encore plus de chagrin ? Ta santé est-elle moins détraquée après tout cela ?

Ta lettre nous a bien attristés et nous te le disons tous, comme nous faisons des vœux tous pour toi, et pour une existence moins accablée et moins éprouvée. Il ne faut pourtant pas voir en noir comme tu fais. Le départ des chers vieux parents, qui vont, comme tu dis, au repos éternel, est une loi de la nature ; et, quant à toi qui es jeune et qui as le devoir d’être courageux, tu n’as pas le droit de désespérer de Dieu et des hommes. Pense que tu as des amis, mon cher vieux, et qu’un temps viendra où, plus libre et mieux portant, tu seras content de les retrouver et de te retrouver toi-même en possession d’une vie plus heureuse.

Nous avons bien du regret de ne t’avoir pas pu arrêter un moment dans ta route. Écris-nous ; nous sommes impatients tous d’avoir de tes nouvelles.

G. SAND.