Contes secrets Russes/Le tétras
XXIX
LE TÉTRAS
n chasseur avait battu le bois pendant deux
jours sans rien tuer. Le troisième jour, il fit un
vœu : « Quoi que je tue, je le donnerai pour une passade ! » Ensuite, il retourna au bois, y aperçut
un tétras et le tua. Comme le chasseur, chargé de
son gibier, regagnait sa demeure, une dame le vit
par la fenêtre de sa maison et l’invita à entrer.
« Quel est le prix de ce tétras ? » demanda-t-elle.
« — Il n’est pas à vendre, j’en ai disposé par un vœu.
— Comment cela ? — En allant à la chasse, j’ai
promis que je donnerais pour une passade ce que
je tuerais. — Je ne sais comment faire, » reprit la
dame, « j’ai terriblement envie de ce tétras ! Coûte
que coûte, je veux l’avoir. Mais je fais conscience
de me mettre sous toi… — Qu’à cela ne tienne,
madame, je me coucherai sous toi et je te laisserai
le dessus. » Ainsi fut fait. — « Eh bien ! moujik,
donne-moi le tétras. — Pourquoi te le donnerais-je ?
Ce n’est pas moi qui t’ai βαισέε,
c’est toi qui m’as βαισέ. » Renoncer à l’acquisition
de l’oiseau était au-dessus des forces de la
dame. « Allons, » dit-elle, « monte sur moi. » Le
moujik la βαισα une seconde fois. « À présent, »
fit-elle, « tu vas me donner le tétras ? — Pourquoi
cela ? Nous sommes, quittes, voilà tout. — Eh
bien ! monte encore une fois sur moi. » Il besogna
de nouveau la dame ; après quoi, elle lui dit :
« Il me semble que maintenant j’ai bien gagné le
tétras. » Quelque désagréable que cela lui fût, le
chasseur, pour le coup, dut s’exécuter et retourna
chez lui les mains vides.