Contes secrets Russes/Le loup
IV
LE LOUP
n paysan possédait une truie qui venait
d’avoir douze petits ; il l’enferma dans une
étable dont les murs étaient faits de broussailles entrelacées. Le lendemain, le paysan vint voir les
jeunes cochons, il les compta et s’aperçut qu’il en
manquait un. Le surlendemain il constata encore
la disparition d’un marcassin. Qui les vole ? Le
vieillard alla passer la nuit dans l’étable, où il se
mit en observation. Du bois arriva précipitamment
un loup qui, s’étant rendu droit à l’étable, tourna le
dos à la porte, introduisit sa queue dans une ouverture
et commença à la frotter contre le sol de
l’étable. Attirés par le bruit, les petits cochons
quittèrent leur mère et s’approchèrent de la porte
pour flairer la queue du loup. Aussitôt celui-ci fit
volte-face, fourra sa gueule dans le trou d’où il venait
de retirer sa queue, et, saisissant un des jeunes
cochons, l’emporta dans le bois.
Le soir suivant, le paysan revint à l’étable et s’assit tout près de la porte. Quand l’obscurité fut devenue épaisse, le loup accourut de nouveau et se livra au même manège que précédemment ; mais, dès qu’il eut introduit sa queue dans l’étable, le paysan la saisit des deux mains et, se tenant solidement appuyé contre la porte, se mit à crier de toutes ses forces : « Tu ! Tu ! Tu ! » Le loup fit des efforts désespérés pour se dégager, il se démena avec violence, tant qu’à la fin sa queue se détacha. L’animal s’enfuit, mais il perdait beaucoup de sang ; après avoir fait vingt pas, il cessa de courir, s’affaissa sur le sol et expira. Le paysan l’écorcha et vendit sa peau.