Contes secrets Russes/Le chasseur et le satyre

Contes secrets Russes (Rousskiia Zavetnia Skazki)
Isidore Liseux (p. 44-45).

XXV

LE CHASSEUR ET LE SATYRE


Un chasseur, ayant longtemps battu le bois sans rien tuer, se mit à cueillir et à manger des noisettes. Survint un satyre qui lui en demanda. Le chasseur lui donna une balle de fusil. Le satyre la porta à la bouche, mais ses dents ne purent y mordre. « Je ne sais pas la casser, » dit-il. — Est-ce que tu es châtré ? » fit le chasseur. — « Non. — Eh bien, c’est à cause de cela ! Si tu veux, je vais te châtrer, et alors tu sauras casser des noisettes. » Le satyre y consentit ; le chasseur le prit et lui serra les parties génitales entre deux branches de tremble. « Lâche-moi, lâche-moi ! Je n’ai que faire de tes noisettes ! » commença à crier le satyre. — « Tu plaisantes, tu sauras les casser ! » Le chasseur lui fit l’ablation des testicules, puis il le lâcha et lui offrit cette fois une noisette pour de bon. Le satyre la cassa avec ses dents. — « Eh bien, quand je te le disais, que tu réussirais à les croquer ! » Ensuite chacun d’eux tira de son côté ; mais, avant de s’éloigner, le satyre dit d’un ton de menace au chasseur : « Allons, c’est bien ! quand tu iras chauffer ton séchoir, je te jouerai un tour ! »

Rentré chez lui, le chasseur s’assit sur un banc. « Oh, femme, » dit-il, « je n’en puis plus ! Va donc chauffer le séchoir ! » La femme y alla, alluma du feu et se coucha le long du mur. Arrivèrent deux satyres qui se mirent à causer ensemble. « Brûlons le séchoir ! » dit l’un d’eux. — « Non, regardons d’abord s’il a une blessure comme celle qu’il t’a faite. » Ils regardèrent. « Eh bien, mon ami, la sienne est encore plus grande que la tienne ; vois donc comme elle est large, on y ferait entrer un bonnet ! Et qu’elle est rouge ! » Cela dit, ils se séparèrent pour retourner chacun dans son bois.