Contes secrets Russes/La ménagère intelligente
XXII
LA MÉNAGÈRE INTELLIGENTE
ne vieille femme avait une fille qui était la
négligence et la saleté même. Il se trouva un
imbécile pour la demander en mariage et l’épouser. Après avoir vécu un an au plus avec elle, il en eut
un fils. Un jour, elle alla faire visite à sa mère, qui
se mit à la régaler. « Ah ! matouchka, que ton pain
est bon ! » dit, tout en mangeant, la jeune
femme ; « moi, c’est à peine si on peut manger le
mien, il est vraiment comme de la brique. —
Écoute, ma fille, » répondit la vieille, « assurément
tu ne pétris pas bien la pâte, voilà pourquoi
ton pain n’est pas bon ; essaie un peu de pétrir
de telle sorte que tu aies le κυλ trempé, et tu
réussiras ton pain. » La femme revint chez elle,
ouvrit le pétrin et commença son travail. Après
avoir longtemps pétri, elle retroussa sa robe et tâta
si son κυλ était trempé ; puis elle se remit à la besogne.
Pendant deux heures elle pétrit et se barbouilla
le derrière, mais elle ne pouvait s’assurer, si,
oui ou non, son κυλ était trempé. Finalement elle
releva sa robe et dit à son petit garçon en lui présentant
son postérieur : « Regarde un peu si mon
κυλ est trempé ! » L’enfant regarda : — « Eh !
mère, » fit-il, « tu as deux trous à côté l’un de
l’autre et ils sont tous les deux dans la pâte ! »
La femme cessa de pétrir et fit avec cette pâte du
pain si bon que, si on avait su comment il avait
été pétri, personne n’y aurait touché.