Contes populaires d’Afrique (Basset)/94

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 226-228).
XLVII. — PETIT NAMAQUA

94

L’ARRÊT DU BABOUIN[1]


Un jour, raconte-t-on, il se passa ce qui suit :

La souris avait déchiré les vêtements du tailleur : Celui-ci alla trouver le babouin et se plaignit de la façon suivante :

— Vois, voici pourquoi je viens à toi. La souris a déchiré mes vêtements, mais elle ne veut rien savoir de cela ; elle accuse le chat ; le chat proteste également de son innocence et dit : C’est le chien qui doit l’avoir fait. Mais le chien le nie et prétend que c’est le bois qui l’a fait ; le bois rejette la faute sur le feu et dit : C’est le feu qui l’a fait, le feu dit : Non, je ne l’ai pas fait : c’est l’eau. L’eau dit : L’éléphant a déchiré les vêtements et l’éléphant prétend que c’est la fourmi qui les a déchirés. C’est ainsi qu’ils s’entre-querellent. C’est pourquoi, moi, le tailleur, je viens te proposer ceci : Convoque les gens et interroge-les pour me procurer un dédommagement.

Il parla ainsi et le babouin les appela tous à l’interrogatoire. Alors ils s’excusèrent avec les mêmes prétextes que le tailleur avait mentionnés, chacun rejetant la faute sur les épaules de l’autre.

Le babouin ne put trouver de meilleur châtiment que de les faire punir les uns par les autres.

Il parla ainsi :

— Souris, veux-tu donner un dédommagement au tailleur ?

Elle protesta de son innocence. Alors le babouin dit :

— Chat, mords la souris.

Le chat mordit la souris. Le babouin posa la même question au chat et, comme il s’excusait de même, il cria au chien :

— Toi, mords le chat.

Alors le babouin les interrogea tous successivement : tous s’excusèrent. Le babouin prononça alors ces mots :

— Bois, frappe le chien !

— Feu, brûle le bois !

— Eau, éteins le feu !

— Éléphant, bois l’eau !

— Fourmi, pique l’éléphant.

Ils tirent ainsi, et depuis ce temps-là, ils ne peuvent plus se supporter.

La fourmi pique l’éléphant là où cela lui fait le plus mal.

L’éléphant boit l’eau.

L’eau éteint le feu.

Le feu brûle le bois.

Le bois bat le chien.

Le chien mord le chat.

Le chat mange la souris.

Ce fut le dédommagement que le tailleur reçut par ce jugement.

— Oui, dit-il, maintenant je suis content, puisque j’ai reçu ce dédommagement et je te remercie de tout cœur, ô babouin, de ce que tu m’as rendu justice et que tu m’as adjugé un dédommagement.

— Désormais, dit le babouin, je ne veux plus m’appeler Yan, mais on m’appellera babouin.

Depuis ce temps-là, le babouin marche sur les quatre membres. Par ce jugement insensé, il a perdu la faculté de marcher debout.



  1. Bleck, Reineke Fuchs in Afrika, p. 26-28.