Contes populaires d’Afrique (Basset)/89

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 215-217).

XLIII. — ATAKPAME[1]

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LA CAILLE ET LE CRABE[2]


La caille était propriétaire de la ferme ; le crabe était maître de l’eau.

Un jour, la caille, mourant de soif, alla trouver le crabe et lui dit :

— Donne-moi de l’eau à boire.

Il lui en donna et elle but. Puis elle dit au crabe de lui envoyer ses enfants pour chercher de la nourriture. Il les envoya et elle leur dit qu’avant d’arriver, ils l’appelassent : Bonne fermière. Alors ils entendraient sa réponse. Ils y allèrent et l’appelèrent :

— Bonne fermière, Angbala !

Elle demanda :

— Qui appelle : bonne fermière, Angbala ?

— C’est moi, le fils du crabe.

— Que veux-tu ?

— Une ancienne parole pour aller à Angbala.

— Si tu y vas, dis à ton père : Angbala, bras brûlé, infirme ! pied brûlé, infirme ! Angbala, une grande bosse sur le dos ! L’œil est-il à gauche de la main ?

Les enfants du crabe revinrent à la maison et dirent à leur père :

— Elle t’injurie.

Au lever du jour, la caille revint pour boire de l’eau. Le crabe demanda :

— Hier, tu m’as injurié ?

— Tu mens, dit-elle, je ne t’ai pas insulté.

Et elle ajouta :

— Viens, apporte de l’eau.

Après qu’elle eut bu, elle lui dit qu’il devait lui envoyer ses enfants chercher de la nourriture pour lui. Ses enfants y allèrent : le crabe se cacha et leur dit d’appeler la caille. Ils obéirent et elle insulta leur père qui retourna chez lui avec eux. Le lendemain matin, elle revint et dit qu’elle voulait boire.

— Quelle eau bois-tu ?

— Je bois de l’eau claire.

Le crabe lui dit de venir boire. Elle y alla, mais il la saisit. Les enfants de la caille chantèrent :

— Mère, vomis son eau, rends-la-lui, que nous allions chez nous.

D’un autre côté, les enfants du crabe chantaient :

— Père, tiens-la bien ; tiens-la bien ; tiens-la bien.

Les enfants de la caille répétaient :

— Mère, vomis leur eau, rends-la-leur, que nous allions chez nous.

— Lâchez le cou, saisissez la queue, dit la caille ; la queue est ma mort : le cou est ma vie.

Alors le crabe lâcha son cou et saisit les plumes de la queue qui lui restèrent dans la main : c’est pourquoi la caille n’a pas de plumes à la queue. Depuis, elle ne but plus au fleuve.




  1. L’atakpame est parlé dans la colonie allemande du Togo, en Guinée.
  2. Müller, Ein Beilrag zur Kenntniss der Atakpame ap. Seidel, Zeitschrift für afrikanische, ozeanische und ostasiatische Sprachen VIe année, Berlin, W. Süsserott, in-8o, 1902, p. 153-155.