Contes populaires d’Afrique (Basset)/73

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 182-183).
XXXIII. — OUOLOF[1].

73

LA HYÈNE, LE BŒUF ET L’ÉLÉPHANT[2]


Une hyène, courant toutes les nuits pour chercher sa nourriture, tomba dans un grand trou ; elle avait beau grimper pour sortir ; c’était peine inutile. Lorsque le jour fut venu, on l’entendit hurler de loin. Un bœuf, touché de compassion, s’approcha de l’abîme et reconnut l’infortunée. Son cœur fut ému, mais il n’osait lui porter secours. La hyène le pria, au nom de Dieu, de la délivrer du danger, en lui offrant le bout de sa queue pour qu’elle pût s’y accrocher. Le bœuf lui répondit qu’il regrettait de ne pouvoir lui rendre ce service, parce qu’aussitôt qu’elle serait sortie du trou, elle pourrait le dévorer. La hyène jura qu’elle ne le trahirait jamais. Le bœuf, se fiant à ses promesses, lui présenta le bout de sa queue, mais, à peine la hyène fut-elle hors de danger, qu’elle se jeta sur le bœuf pour le tuer. Heureusement pour ce dernier, un éléphant vint à passer et, entendant une dispute très animée, il s’approcha et résolut d’y mettre de l’ordre.

— Je vais, dit-il, vous rendre justice : arrêtez-vous un instant, que j’examine la question pour savoir qui a raison de vous deux.

Après les avoir entendus, l’un et l’autre, il leur dit :

— Cette affaire est difficile à vider ; il est nécessaire avant tout que chacun retourne où il était, et je jugerai.

Aussitôt il ordonna à la hyène de retourner dans le trou, ce qui fut fait.

Le bœuf, débarrassé, continua sa route et la hyène fut forcée de périr dans l’abîme.

La morale de cette fable est que l’ingratitude est un crime horrible et qu’un juste châtiment l’atteindra tôt ou tard.



  1. Les Ouolofs habitent tout le bas Sénégal, Saint-Louis et la région au sud jusque Dakar.
  2. Boilat, Grammaire de la langue woloffe, Paris, imp. imp., 1858, in-8, p. 397-399.