Contes populaires d’Afrique (Basset)/74

E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 184-185).

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LE LIÈVRE ET LES MOINEAUX[1].


Le lièvre, le plus malin des animaux, alla un jour demander à Dieu de le rendre plus fin. Pour le congédier, Dieu lui dit d’abord d’aller remplir de moineaux une gourde et de revenir. Le lièvre se rendit près d’une fontaine et y passa sa journée en méditation. Quand le soir fut venu, les oiseaux, que la chaleur du jour avait forcés de se cacher, sortirent pour se rafraîchir ; les moineaux, spécialement, vinrent voltiger, gazouiller près de la source et s’y désaltérer. Le lièvre se dit tout bas :

— Voilà l’occasion de les attraper !

Il saute, et, faisant semblant de discuter :

— Non, non, dit-il : oui, oui ; pardonnez-moi, jamais, ça n’aura pas lieu ; c’est impossible ; pourquoi pas ?

Les moineaux, surpris, lui demandèrent le sujet de sa discussion ; il répondit qu’il voulait savoir si sa gourde était assez grande pour les contenir tous :

— Nous y tiendrions sans être gênés, répliquèrent les moineaux : nous sommes si petits.

Aussitôt l’un d’eux entra, un second suivit, puis un troisième ; enfin, tous y trouvèrent place.

Le lièvre, sans perdre de temps, ferma sa gourde et alla trouver l’Être suprême ; mais Dieu, le frappant sur la tête, le renvoya en disant :

— Halte-là ! si j’augmentais ton esprit, tu bouleverserais le monde.

La morale de cette fable est qu’il faut se contenter de sa condition et que l’ambition cause la ruine d’un grand nombre d’hommes.




  1. Boilat, Grammaire de la langue woloffe, p. 402-404.